Quand on se demande d’où viennent nos connaissances, on se rend compte qu’une grande partie d’entre elles provient directement d’autrui. Il est donc important de bien réfléchir aux différentes sources d’information à l’origine de nos connaissances.
Par exemple, je sais – ou crois savoir – que ma collègue va se marier parce qu’un autre collègue me l’a dit. À première vue, croire ce que m’a dit ce collègue, dont le témoignage fait office d’intermédiaire, semble plutôt raisonnable. De même, je sais – ou crois savoir – que l’Everest a une altitude de plus de 8000 mètres, ou que Rome est la capitale de l’Italie, mais je n’ai jamais pu le constater moi-même : je fais confiance aux sources d’information que j’ai pu consulter dans le passé. La plupart de nos connaissances reposent de cette façon sur ce qu’on a lu ou écouté dans le passé, et donc de la confiance que l’on avait à l’égard de nos sources d’information.
Les connaissances que l’on acquiert dans la vie quotidienne ne sont pas les seules à reposer sur des sources d’information fiables. Même les scientifiques acceptent généralement ce que disent ou écrivent d’autres scientifiques sans tout vérifier directement.
La confiance joue donc un rôle crucial dans l’acquisition de nos connaissances. On peut parfois entendre que le témoignage ne serait pas fiable, qu’il faudrait systématiquement chercher à vérifier directement la véracité de ce que l’on nous dit. Mais, en pratique, étant donné le temps limité que l’on a, il est impossible de s’en passer. Il est donc raisonnable d’accepter comme vrai ce que nous disent les autres, au moins dans certaines circonstances. Dans tous les cas, il ne faut pas passer sous silence ces sources d’information quand on justifie notre opinion lors d’un débat.
Il n’y a donc pas de problème à faire appel à des arguments d’autorité, où l’on justifie une affirmation par le fait qu’une certaine personne pense la même chose. Bien sûr, ce ne sont pas des arguments « massue », incontestables, car ils reposent sur des hypothèses (parfois implicites) portant sur la fiabilité générale de la personne ou son degré d’expertise dans le domaine en question.
On est justifié à croire quelque chose si une personne l’affirme et qu’on la juge crédible. Il est donc important de réfléchir au degré de crédibilité que l’on accorde aux personnes autour de nous, et plus généralement à toutes les sources d’information (comme les médias, les personnes politiques, les scientifiques, etc.) auxquelles on peut être exposé.e. De fait, de nombreux désaccords sont dus à la diversité des sources d’information auxquelles on fait confiance.
Comment déterminer la crédibilité d’une personne ou d’une source d’information ? Il n’y a malheureusement pas de règle simple et incontestable, mais voici quelques conseils :
• Prenez en compte vos expériences passées : une personne qui nous a menti dans le passé est moins crédible qu’une personne qui nous a toujours dit la vérité !
• Distinguez différents domaines de connaissance. Une personne peut être une experte dans un domaine très spécifique, mais ne pas être fiable du tout quand elle s’aventure dans d’autres domaines : on fait confiance à notre médecin quand il s’agit de notre santé, mais on lui ferait évidemment moins confiance pour réparer notre voiture. Il existe un domaine de connaissance assez particulier, celui de notre expérience personnelle : on peut généralement faire confiance aux gens quand ils nous relatent leur vécu et ce qu’ils ont ressenti.
• Évaluez les qualités « épistémiques » de vos sources d’information, c’est-à-dire les qualités qui leur permettent d’être plus souvent dans le vrai. Certaines personnes sont plus fiables que d’autres parce qu’elles ont la capacité à exprimer leurs opinions avec nuance et à ne pas exagérer, la capacité à prendre du recul sur leurs propres croyances, une culture scientifique de base, etc. Ces qualités les rendent plus crédibles dans tous les domaines. Plus généralement, réfléchissez à la façon dont la personne ou la source d’information a elle-même formé sa croyance. A-t-elle des informations privilégiées auxquelles elle a accès et vous non ? À qui a-t-elle dû faire confiance ? A-t-elle des incitations à présenter ce qu’elle sait de manière fidèle, sans les déformer ?
• Faites attention aux biais affectifs. Par défaut, on a tendance à s’appuyer sur nos appréciations subjectives des personnes pour déterminer leur crédibilité. Une personne que l’on connaît et apprécie, comme un parent ou un ami, sera jugée plus fiable qu’une personne que l’on déteste. Il est tout naturel de procéder de cette façon, mais cela peut nous induire gravement en erreur : les raisons que l’on a d’apprécier la personne n’ont la plupart du temps rien à voir avec sa crédibilité. On appelle parfois ce biais l’effet de halo, et il s’agit d’une des principales influences négatives des affects sur notre manière de raisonner.
• Faites attention aux biais sociaux. Une large partie de nos croyances, par exemple nos croyances religieuses, sont simplement le fruit de notre socialisation dans un groupe humain spécifique. Si vous observez que l’une de vos croyances est très marquée socialement – seulement les gens de votre milieu social d’origine la partagent –, cela peut être un indice que vous avez acquis cette croyance pour des raisons qui n’ont rien à voir avec sa vérité. Il en va de même des « bulles d’information », quand toutes vos sources d’information (médias, amis, etc.) vous présentent une vision tronquée de la réalité.
En réfléchissant à tout cela et en comparant la manière dont vous jugez la crédibilité des sources d’information avec celle d’autres personnes, vous aurez sans doute l’occasion de prendre du recul et de progresser.